L’EMDR, une thérapie pour les états post-traumatiques, et plus encore…

L’EMDR est une méthode thérapeutique née il y a trente ans aux Etats-Unis du travail d’une psychologue, Francine Shapiro, qui avait observé presque fortuitement que dans des périodes de troubles et tandis qu’elle marchait pour s’apaiser un peu, elle bougeait machinalement ses yeux de gauche à droite et que ces séquences lui apportaient quelque soulagement.
Bien des études plus tard, cette méthode en fait assez proche de l’hypnose et de la méditation, a été beaucoup utilisée pour les états post-traumatiques intenses, par exemple ceux des soldats revenant des combats (Afghanistan, Irak…) ou des victimes et témoins d’attentats de masse.
En anglais, the « Eye Mouvement Désensitization and Reprocessing therapy», est en fait aujourd ‘hui traduite par Méthode de Désensibilisation et de Retraitement (sous entendu de l’information) par les mouvements oculaires, mais pas seulement… Depuis trente ans qu’elle est utilisée, la clinique a en effet démontré que toute stimulation bilatérale du cerveau, y compris par des tapotements, des sons alternés dans un casque ou une stimulation des paumes par électrodes, enclenche un processus de retraitement des informations qui a l’époque des faits ont dépassé les capacités de traitement de la personne.
On connaît tous ce phénomène : c’est la petite madeleine de Proust à l’envers. Chez Proust, des années après sa tendre enfance, le goût d’une madeleine trempée dans son thé le ramenait à son enfance près de sa grand -mère, et à une scène précise dont il pouvait décrire tous les aspects.

En négatif, cela fonctionne aussi, malheureusement.
Quand nous vivons un événement fort comme une scène violente, notre cerveau enregistre toutes les perceptions captées, et les associe de manière plus ou moins heureuse. Parfois, certaines ont un impact affectif plus intense. On se souvient par exemple des sauveteurs marqués le soir de l’attentat du Bataclan, par tous ces téléphones portables qui sonnaient dans le vide et le silence d’après l’horreur. Des années plus tard, même quand les personnes vont bien, une sonnerie de téléphone, dans certaines circonstances ou associée à d’autres perceptions, peut ramener à la personne toutes les émotions perturbatrices de l’événement initial. Qui plus est, quand nos capacités de traitement (on pourrait dire « d’encaissement ») ont été débordées, ces réminiscences se présentent plus souvent ou de manière plus douloureuses. On peut ajouter bien sûr que nos capacités d’encaissement et de digestion d’une scène de guerre par exemple diffèrent immensément d’une personne à une autre, voire diffèrent bien entendu chez chacun de nous en fonction du moment de vie dans lequel nous étions au moment des faits.

Des points communs avec les effets de la Méditation

Ce que Francine Shapiro et ses successeurs ont découverts, c’est que même des années plus tard, nous pouvons aider notre cerveau à réorganiser ces informations, à reprendre en quelque sorte le processus inabouti au moment des faits. Il s’agit de stimuler nos facultés d’auto – guérison en proposant un nouvel encodage du stimuli, ou plus exactement en proposant de le dés – encoder pour qu’il puisse se ré – encoder de manière moins douloureuse.
Il reste dans le processus une part assez mystérieuse : que se passe-t-il exactement dans ce retraitement de l’information ? Tout n’est pas précisément et facilement démontrable. Mais si nous sommes prêts à accepter une part mystérieuse comme dans la plupart des processus d’auto – guérison, nous pourrons par exemple opérer un certain rapprochement avec ce qui se passe dans la méditation.
Dans la pratique de la méditation de Pleine Conscience par exemple, que l’on propose souvent à des personnes atteintes de douleurs chroniques, on observe fréquemment une distanciation progressive d’avec la douleur. La personne est à la fois consciente que la douleur est là mais elle la ressent de manière moins obsédante, elle en est moins affectée ; il semble que ce soit son rapport à la douleur qui évolue. Traditionnellement, on estime qu’il convient de distinguer la douleur, qui est un ressenti plus ou moins objectivable, de la souffrance, qui est en fait le système d’interprétation que la personne met en place (supportable, insupportable, injuste, indifférent, etc….) et qui bien entendu modifie l’intensité de la perception elle-même.
Dans le trauma donc, il y aurait les perceptions elles – même liées à la scène originelle, et le système d’interprétation/association qui s’est installé chez la personne à ce moment précis. C’est sur ce système là que la désactivation sensorielle semble jouer.

Une efficacité élargie à des troubles plus bénins

A force d’utiliser la technique et d’observer de façon souvent spectaculaire les effets produits (il arrive que la personne elle même se demande devant le thérapeute où est passée l’angoisse et le mal-être qui l’instant d’avant accompagnait l’évocation du souvenir ☺), les psychothérapeutes ont élargi l’indication de la technique et ont obtenu de bons résultats pour de nombreuses chronicités notamment, douleurs ou maladies chroniques, mais aussi répétitions névrotiques et conséquences douloureuses de situations peut-être moins violentes, mais qui ont eu l’inconvénient de s’installer dans la durée (notamment les harcèlements ou attitudes perverses).
En Cabinet, toute séance d’EMDR est précédée d’une séance de dialogue et d’échanges avec le consultant de manière a identifier la cible de la première séance, qui peut être un souvenir ancien ou au contraire récent, un symptôme même parfois, puis s’en suit une à plusieurs séquences assez courtes de désactivation (environ trente secondes chacune), où la personne est invitée à accueillir le plus possible toutes les perceptions/sensations qui accompagnent l’évocation de la cible). Le rôle du thérapeute est alors d’accompagner la personne dans le déroulement du fil de sa mémoire et des perceptions encodées. Le plus souvent, la confiance s’installe rapidement pour le consultant dans le processus inconscient de son auto – guérison, d’autant plus qu’un soulagement perceptible apparaît. Et il n’y plus alors qu’à suivre avec confiance et humilité le chemin tracé par l’inconscient ☺ .
Selon le problème à traiter, une à cinq séances peuvent être une bonne indication.